Voici le témoignage de mon amie Selva qui s’est retrouvé à vivre sans carte bleue ni téléphone. Découvrez comment c’est arrivé et ce qu’elle en retire :
Avant toute chose il faut que je précise que je suis étudiante en master d’Ethnologie.
Bizarrement, tout ce qui suit est lié à mes études. Vous allez découvrir comment j’ai accidentellement changé de mode de vie.
L’administration a ses raisons que la raison ne connaît pas
J’ai toujours été copine avec l’administration. Nos relations restaient distantes et parfois un peu forcées, mais dans l’ensemble nous ne nous étions jamais fâchées.
Jusqu’à mon déménagement sur Paris.
Était-ce la distance, ou la multiplication soudaine de ses fréquentations, je ne le sais toujours pas, mais l’administration et moi nous sommes brouillées.
Comme dans n’importe quel couple, je rejetais la faute sur l’autre : elle était trop lente, injoignable, floue, elle m’en demandait toujours plus … je n’arrivais pas à cerner ses attentes. La dégradation soudaine de notre amitié a pesé lourd sur mon quotidien. Je devais sans cesse envoyer des courriers, passer des coups de téléphone, photocopier des papiers… elle ne semblait jamais satisfaite.
Je commençais donc l’année scolaire sans les bourses, mon unique revenu à ce stade.
Je me suis débattue et ai trouvé un boulot avant même de trouver un appartement. Ayant déjà commencé les cours depuis deux semaines, mon emménagement fût succinct, et ma brouille avec l’administration se rappela brutalement à moi lors de ma demande d’APL (Aide Personnalisée au Logement). Sentant pointer une âme de guerrière, je me lançais à l’assaut de l’ennemi invisible : l’administration.
Après deux mois de combat acharné, je recevais enfin une missive : un traité de paix. J’avais gagné mes APL. A l’heure où j’écris ses lignes, je suis encore aux prises avec le boss final du CROUS.
Hasard forcé
Dans le cadre de mes études, je suis allée suivre une manifestation des Anonymous à Paris, un soir de novembre, place de la Bastille.
Échappant de peu aux CRS, je me réfugie dans un bar pour observer leur méthode d’arrestation. Au moment de payer, je tape mon code … faux. Tourbillon d’information dans mon cerveau, les études, l’administration, ma nouvelle vie sur Paris, je perds pied… Et je bloque ma carte bleue.
Le lendemain et le sur-lendemain, pas le temps d’appeler la banque, je fais partie de l’organisation d’un colloque au collège de France. Ensuite, je dois laisser passer le week-end et le lundi (ils sont fermés), avant de pouvoir les avoir au bout du fil. J’explique ma situation, on me demande le fax d’une de mes fiches de salaire, je cours, je vais en boutique envoyer un fax et j’attends…
2 semaines. Rien. Je rappelle ma banque, on me répond « Ah mais non mademoiselle, on était pas au courant de votre situation ».
Bon, on recommence du début.
Après un mois, je reçois enfin ma carte bleue (de la part de mon père qui était aller la chercher, ma banque se trouvant à 400km de chez moi). Ne voyant pas arriver mon code, j’appelle ma banque : « Nous on l’a envoyé à Dijon ».
Panique à bord, j’appelle l’ami qui a repris mon appartement sur Dijon, lui demande de mettre mon nom sur mon ancienne boite aux lettres.
Aujourd’hui je me suis habituée à ne plus avoir de carte bleue. Depuis 2 mois et demi, j’ai découvert un nouveau mode de vie.
Il y a une semaine, je finissais cours et partiels. Trop heureuse de voir ce semestre infernal s’achever, je suis sortie avec des amis… Et me suis fait voler mon téléphone.
Là c’était un peu le pompon sur la cerise du gâteau. D’abord complètement découragée, j’ai appelé mon opérateur pour suspendre ma ligne. Puis j’ai senti revenir mon optimisme au bout de l’élastique, et j’ai décidé de me passer de téléphone. Histoire de dire : « Merci les gars, ça faisait un moment que je voulais voir ce que ça donnait la vie sans téléphone ! ».
Le nom du plus grand des inventeurs : accident
Me sentant disparaître, dissoute par la capitale, j’ai décidé de réagir.
Le moment charnière a été l’observation d’une boucherie/triperie halal, exigée par l’école.
Absolument amoureuse de la nourriture, je me suis retrouvée à manger des pâtes, du riz et des lentilles à l’huile d’olive, pendant 3 semaines. Je crois que ça a été le plus dur. Mais après mon observation, les bouchers m’ont offert des merguez, des abats, des steaks… Et j’ai pu « relancer la machine ». Le but est de trouver ce qui vous motive dans la vie. Pour ma part je sais que c’est l’alimentation (c’est actuellement le sujet de mon mémoire).
J’ai également pu découvrir ou redécouvrir mes amis. Comme on le dit souvent, c’est dans les moments difficiles qu’on peut compter sur eux. J’ai d’abord été hébergée par deux amis de Nouvelle Calédonie en colocation sur Paris. Avec d’autres j’ai troqué des chèques contre du liquide, et me suis endettée auprès de deux amis pendant les sorties (les bars ne prenant pas les chèques).
Peu de gens étaient au courant de ma situation, se lamenter auprès des autres ne sert à rien. Il faut considérer ses amis comme un bonus, c’est à dire qu’en cas de problème s’ils sont là tant mieux, mais ne les prenez pas en compte lorsque vous cherchez une solution. Votre meilleur atout c’est vous même, soyez prévoyants.
Comment j’ai fais pour supporter le quotidien ?
Je me suis concentrée sur ce qui me réussi : les études.
Bien que ce semestre est été intense, j’ai bossé comme jamais pour retrouver cette confiance en moi, émoussée par les problèmes. Le boulot m’a permis de garder à distance les tracas. Grâce à ça, mes résultats scolaires se sont améliorés. Étant devenue réaliste-optimiste avec le temps, j’ai mis en place la stratégie du « laisser aller ».
La méthode est simple : ces accidents entraînaient un nouveau mode de vie, il ne tenait qu’à moi de le transformer en aventure, en expérience. C’est ce que les études m’ont appris : avoir un point de vue objectif sur soi même. A partir de là il est facile de s’observer, de tester ses réactions, et être détaché émotionnellement. « La vie nous laisse le choix d’en faire un accident ou une aventure ». J’ai pu dépasser ma peur de la conversation téléphonique, et combattre mon coté casanier.
Je n’étais pas très à l’aise avec l’orientation de cet article, devoir raconter mes moments de faiblesse… j’ai l’impression de faire du misérabilisme. Mais après tout ici , il est question de développement personnel.
J’aimerai conclure sur une étape importante : un jour je me suis regardée dans le miroir et me suis dit : « je suis heureuse de vivre avec moi jusqu’à la fin de mes jours ». Il est important d’évoluer sans cesse, et de faire des points réguliers. De se connaître et de se nourrir du changement.
Donnez vous la force de vivre le présent et de vous projeter dans le futur. De cette façon vous ne regretterez jamais le passé.
Sachez vous adapter.
Merci Selva, pour ta combativité et ce très beau partage !